Ulysses - James Joyce

Publié le par Gwendal

Voilà donc le monstre passé de la pile des livres à lire à celle des livres lus. Joyce a réussi à créer un livre qui soit autant un défi lancé à lui-même qu'à son lecteur : un livre qui soit, presque, tous les livres, qui tienne de la poésie, du théâtre, de l'opéra, de la nouvelle, de l'enquête policière... Nommez, on trouvera le passage qui correspond. Le pire y navigue, à vue dirait-on, côté à côté avec le meilleur - j'avoue ne pas avoir réussi à lire les dernières pages (pas de ponctuation pendant 60 pages, excusez du peu), ni la grande scène de bourrage de gueule (un nouveau personnage avec didascalies et réplique par ligne, ou quasiment) ; à l'inverse, certaines discussions entre étudiants allumés, certains étalages de micro-histoires, sont de la plus haute volée ; je ne rentrerai probablement pas non plus (comme dans l'article de Wikipedia) sur le détail de la structure : le sentiment que cela relève plus d'une structuration oulipienne au petit pied, quand le vrai plaisir de s'embarquer dans ce machin gît plutôt dans la noyade sans repères - on retrouve ici ou là une référence à quelque chose de connu qui surnage (Hamlet, la mythologie grecque, voire des références d'époque), mais surtout, on se sent ballotté, jour de grand vent et de tempête, dans une mer déchaînée de prose qui bat par vagues, emporte le lecteur sans vérifier qu'il soit confortablement installé. Là est le chef d'oeuvre : Stephen Dedalus et Leopold Bloom se trouvent dans Dublin, ce qui n'est pas si fréquent, mais le vrai parcours est celui du lecteur, poussé à écouter le quotidien différemment, dans cette Irlande où le pire est toujours quelque part dans un coin, tandis que le meilleur reste toujours très humain. Bloom et Dedalus, contrairement à Ulysse, n'auront jamais véritablement accès à la transcendance, et restent absolument charnels en dépit de tout.

Publié dans Livres

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