Lucian Freud @ Centre Pompidou

Publié le par Gwendal

Freud n'est pas votre ami - Freund, comme j'avais longtemps pensé qu'il s'appelait, ne pouvant lui abandonner si illustre patronyme, dans un mouvement naturellement inconscient que le bon docteur se ferait une joie d'expliquer, mais passons. Freud produit une peinture parfaitement aboutie techniquement, ce qui lui permet de dépasser d'une bonne tête la plupart de ses contemporains. Il a une obsession de la chair, qui combinée avec le fait qu'une bonne partie de son oeuvre ait pour cadre les murs étroits de son studio londonien, conforte l'image du monomaniaque ; mais le matériau choisi - le corps humain quand on ne cherche pas à l'idéaliser - est suffisamment riche pour qu'il puisse beaucoup se répéter tout en proposant quelque chose de nouveau à chaque fois (l'anti-Soulages donc). Surtout, son obsession porte moins sur le corps humain lui-même, perçu comme objet fini dans l'espace et le temps, que sur son mouvement permanent de décadence et de décomposition : il règne dans cet oeuvre une impression générale de calme désespoir devant l'avancée inexorable de la décrépitude, reflétée dans les agrégats qui maculent les murs du studio, dans ces corps qui ont déjà perdu les limites nettes qui les séparent de leur environnement, dans ces plantes qui incarnent, à leur façon, la décomposition permanent et victorieuse de l'humus éternellement recyclé (soit dit en passant, c'est sur cette horreur-là que fonctionne Swamp Thing). C'est une peinture fascinante (aussi, parce que certains détails, en particulier les regards, sont implacables, et parce que même s'il s'en défend, certaines compositions sont extraordinaires de maîtrise) et qui poursuit le spectateur - difficile d'ailleurs de ne pas regarder les visiteurs de l'exposition en les comparant aux tableaux...

Publié dans Expos

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article