Jean Guidoni @ Vingtième Théâtre

Publié le par Gwendal

Guidoni est un vieux monsieur un peu bedonnant et très grisonnant, qui a connu son heure de gloire, ou plutôt son quart d'heure, dans les années 80 grâce à un répertoire réaliste et à une approche très théâtrale de la scène qui évoquent Higelin. Il sautille tant bien que mal et dansouille à travers la scène, revisitant pour l'occasion l'ensemble de son répertoire, accompagné en tout et pour tout d'un seul piano. Ce genre de personnage devrait en toute logique engendrer l'agacement (trop de cabotinage) ou une aimable pitié, avec son couplet rituel sur le vieil artiste qui s'accroche à la rampe pour financer les fins de mois qui commencent le 2, etc...

Mais ce qui est fort, et toujours bluffant, chez Guidoni, c'est sa façon de s'élever toujours au-dessus de tout ça : en partie parce qu'il est homme de scène avant tout et qu'il a en général un public conquis, il est capable, en quelques chansons, d'atteindre des moments de grâce que peu d'artistes peuvent espérer. Dans ces moments, les limitations de sa voix disparaissent, et il est difficile de rester critique face à l'univers qu'il décrit de paumés du petit matin ; il trouve le ton juste et une bonne dose d'auto-dérision permet de faire passer un authentique tragique. En particulier ses "grands titres" ("Il y a" ou "Djemila") résonnent longtemps - un petit regret, l'absence de deux titres particulièrement réussis de son avant-dernier album, Cloaca Maxima et Oh Loup.

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N
<br /> Qui êtes vous Gwendal pour vous permettre de traiter Jean Guidoni de vieux monsieur. Qu'avez vous fait dans la vie de si important qui vous autorise à juger un artiste sur son apparence physique...<br /> nous vieillissons tous vous y compris. Je vous souhaite à son âge d'avoir 1/100ème de son talent.... et comme le disait un Brassens (qui a eu la bonne idée de mourir avant d'être vieux "quand on<br /> est con on est con, le temps ne fait rien à l'affaire" .. vous en êtes la preuve, encore vivante, Monsieur Gwendal<br /> Salutations<br /> <br /> <br />
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G
<br /> <br /> Arrivés à ce point là, il ne me semble pas inutile de préciser que Guidoni est un vieux monsieur qui a un gros nez.<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Jean Guidoni<br /> Jean Guidoni chante Guidoni<br /> Le Vingtième Théâtre (Paris), le 19 avril 2010<br /> Fabrice Ravel-Chapuis (direction musicale et piano)<br /> Récitals<br /> Sommaire<br /> Accueil<br /> La salle est pleine à craquer, on doit se pousser pour laisser les derniers spectateurs prendre place. Venus de la France entière, Roubaix, Strasbourg, Rouen, ils parlent de leur voyage à Paris<br /> entre deux conversations sur Trotski et l’anarchisme. Fans de la première heure, public d’autrefois, spectateurs d’aujourd’hui, tous veulent écouter Jean Guidoni chanter son propre répertoire.<br /> Costume noir, quelques pas de danse, un tour sur lui-même. C’est d’abord une présence féline, amusée et virevoltante qui envahit la scène. Puis la célèbre chanson d’Ingrid Caven, "Lalala", pied de<br /> nez à ceux qui attendent la parole engagée ou la référence à l’autorité d’un répertoire. Guidoni offre une version d’une beauté épurée, à la limite du parlé, confidence intime et grave faite à son<br /> public : on ne change pas le monde avec une chanson. Que dire après cela ?<br /> Avec une modestie hors du commun, Jean Guidoni part du "Lalala" pour éveiller tout un monde, le sien, donnant vie aux lieux les plus divers : le bistrot de "Chez Guitte", le métro poisseux du<br /> "Voyage", le "Marseille" populaire, la salle obscure de "Midi minuit" et l’exotique pays de la "Chanson de Mandalay". A partir du moment où il s’y engouffre, c’est à corps perdu, déployant une<br /> énergie brutale, modifiant à chaque instant sa manière de chanter, passant du souffle vibrant à la frappe de ses envolées brusques. Assister à son concert, c’est vivre une expérience sauvage.<br /> Dressé souvent à la hauteur primaire du cri, le chant bouscule, émeut, laisse un peu exsangue. C’est que Jean Guidoni investit tous les possibles, depuis la sensualité troublante d’une voix tendue<br /> à l’oreille jusqu’à la harangue déclamée vers la Cité. La chaleur de son timbre sert tout à la fois l’intimité de la confession et la révolte plébéienne.<br /> Dans cette dramatisation extrême du chant, servie par le piano nerveux et virtuose de Fabrice Ravel-Chapuis, la générosité de Jean Guidoni consiste à ne jamais laisser le spectateur passif dans son<br /> fauteuil et à son aise dans le noir, l’emportant avec soi dans une marée d’images, de portraits, de souvenirs rendus sonores. Cet élan par lequel il nous transporte utilise la force de l’invective<br /> politique, le phrasé magnifié de la révolte sans pour autant emprunter aucun de ses tics ni aucune de ses conventions. On pourrait juger certaines peintures (l’Algérien, l’occupation, les grands<br /> combats politiques des années 80) dépassées, mais les textes prennent vie avec une telle force évocatoire, qu’ils atteignent à l’universel. Jean Guidoni fait tout passer en se dressant d’abord et<br /> avant tout comme un individu singulier et non comme le héraut d’une cause. La chanson ne se referme jamais sur ce qu’elle dit, elle est passage, exprimant et animant le monde. Le "Je pourris<br /> camarade" solennel et puissant va au-delà de la connotation communiste pour imposer la sublime fraternité dont Guidoni reste le chantre inégalé. Un homme, la voix ferme, le regard absolument<br /> présent, la « dépense de soi » pour un public, si contraire à la préservation des familles, la mesquinerie des comptes, la thésaurisation de ses propres forces. Voici son véritable engagement :<br /> être là.<br /> Ce n’est pas le discours qui intéresse Jean Guidoni. Il se fait tour à tour conteur et poète. " Le Grand Lustucru" tient ainsi le public en haleine comme des enfants fascinés par le jeu théâtral du<br /> chanteur qui s’amuse à les effrayer. Dans "Il y a", après avoir cherché les aigus, il déploie le spectre de sa voix pour servir une poésie de la présence, sur un mot, puis deux, qui permet<br /> d’entrevoir un peu le monde, du bout de l’oreille. Son timbre pénètre l’air, prolongé par les coups de talon qu’il donne sur le sol : une vibration monte comme son crescendo sur le "Tout va bien "<br /> de la chanson du même nom. Quand l’hypocrisie veut faire croire que tout est comme il faut, Jean Guidoni sait saturer l’air avec son corps, pour qu’on perçoive les cris étouffés derrière le<br /> conformisme. Le chant se fait appel : à la force, la marche, la levée, contre toutes les apparences mensongères.<br /> L’impression qui reste au spectateur est celle d’une profondeur existentielle bouleversante. Jean Guidoni leste son art du poids de l’expérience, avec une lucidité amusée sur l’existence. Il jette<br /> un regard attendri sur le monde et "Midi minuit" perd sa tonalité militante de défense des réprouvés pour gagner en épaisseur humaine, pour ne pas dire humaniste. Il n’a plus rien à réclamer, il<br /> veut juste faire sentir. L’évolution incroyable de sa voix, plus virile, chaude, mais aussi douce et veloutée, sert à merveille l’émotion.<br /> Mais on ne reste jamais longtemps dans la gravité, puisque tout le récital sait jouer de l’enchaînement des chansons, tantôt très profondes, souvent très gaies, faussement superficielles. Et puis,<br /> il y a ces intermèdes pendant lesquels Jean Guidoni, avec une grande finesse, exerce son art du dialogue. D’abord, il taquine à l’envi son pianiste : "Fais plaisir à papa, t’auras des bonbons" lui<br /> dit-il avant de lui dédier, mutin, une chanson sur l’amour des militaires. Il propose ensuite de chanter en son hommage "Viril", avec une grande complicité, l’accusant de faire de la musculation en<br /> cachette et de dissimuler des piercings inavouables. Il finira par lui chanter une sérénade burlesque a capella, empruntant "La Boudeuse" à Tino Rossi. Jean Guidoni dialogue aussi avec son<br /> personnage subversif d’autrefois : "A mon âge, il y a des choses que la morale réprouve." Le public rit de bon coeur. Ces mots d’esprit créent des respirations dans la dense matière du concert. Cet<br /> équilibre cultivé entre gravité et légèreté culmine dans la chanson "Tu mourras ce soir", où Jean Guidoni se fait Monsieur Loyal pour faire la chronique de morts annoncées. Puis c’est en chef de<br /> chœur qu’il dirige son propre public conquis et ému, lorsqu’il lui fait chanter les refrains du "Bon berger" et de "La Rue". Il quitte la scène, laissant vivre sa chanson sans lui. Jean Guidoni<br /> atteint alors à la magie : disparaître et rester sur toutes les lèvres.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Florence Chapiro et Aurélien Hupé, avril 2010<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Bonjour,<br /> j'ai trouvé un article sur le spectacle du 20eme théâtre ici:<br /> http://www.lalalala.org/jeanguidoniauxxieme.html<br /> <br /> cdt<br /> <br /> <br />
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N
<br /> "Vieux Monsieur", comme vous y allez!<br /> Un peu bedonnant et très grisonnant, pas si grisonnant que ça il me semble, bedonnant? et alors......les hommes, en prenant de l'âge "bedonnent", c'est la nature, donc, jusqu'à présent "TOUT VA<br /> BIEN".<br /> Par contre, votre second paragraphe rend hommage au talent de Monsieur Guidoni, et pour cela, vous êtes à demi pardonné, entre nous : quel talent, cet artiste!<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Bonjour,<br /> j'ai du mal a comprendre le début de ce post.. Ben oui, comme tout le monde ( y compris Gwendal) et tous les artistes, Jean Guidoni vieillit: et alors? Lui au moins ne simule pas pour avoir l'air<br /> d'avoir l'air d'avoir 30 ans (suivez mes regards dans le show biz). En tous cas le courant d'émotions que Guidoni fait passer comme si chaque spectateur étaient reliés à lui par un fil, n'a pas<br /> d'équivalent. J'ai amené depuis 25 ans beaucoup de gens - pas enthousiastes au prime abord - voir Guidoni sur scène, et aucun n'est jamais ressorti déçu voir non chamboulé de l'un de ses<br /> spectacles. Un interprète hors du commun et sans égal, avec un répertoire que peu ou pas d'artistes sauraient défendre. Pour en revenir au 20eme théâtre, sa voix était parfaite; la aussi le<br /> commentaire m'étonne... Quand au "couplet rituel" je n'ai rien entendu de tel au 20eme théâtre. Avons nous vu le même spectacle et pris les mêmes drogues?<br /> Cordialement.<br /> <br /> <br />
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