Bad lieutenant - Port of call New Orleans - Werner Herzog

Publié le par Gwendal

Bad lieutenant, good movie : Herzog, par le passé, s'est signalé par des films inclassables. Le personnage est plutôt casse-bonbons, la bande-annonce sent sa daube à plein nez, et Nicholas Cage n'est pas tout à fait réputé pour son talent d'acteur et ses prestations dans les films d'art et d'essai. Mais... mais Nosferatu était un film superbe, Aguirre était magnifique, et plus généralement, Herzog a en 50 ans de carrière accumulé une filmographie tout à fait foutraque que je me mords les doigts de ne pas mieux connaître.

Ce Bad Lieutenant, a priori, démarre très mal : Cage, sous prétexte de mal de dos, complète l'ordonnance du docteur avec de la coke et semble penser qu'en imitant la tour de Pise on le prendra pour un bon acteur. Le spectateur ne peut pas s'empêcher d'établir automatiquement la comparaison avec le film de Ferrara : de fait, tous les éléments du film new-yorkais ont été rejetés dans la Nouvelle-Orléans, dans un certain désordre. Bad Lieutenant crapuleux ? check. Enquête sur un crime tout aussi crapuleux ? check. Rédemption en vue ? check.

Et puis il y a ce crocodile mort sur la route. Et ce plan suivant approximativement le trajet d'un autre crocodile. Retour à la normale du fonctionnement de la caméra, mais Herzog a mis le doute dans l'esprit du spectateur : et s'il avait mis le doigt sur quelque chose ? Scène de planque, et de nouveau on passe au monde comme vu par une paire d'iguanes. À partir de là, le film va perdre tout semblant de cohérence pour basculer dans quelque chose qui tient plus des frères Coen que de Ferrara : alternance de plans esthétisants merveilleux, et de scènes en apesanteur, celle de la remise qui vire au doucereux, celle aussi et surtout de la tuerie qui file très loin vers le surréalisme. Herzog, par la voix de Cage, annonce clairement la couleur : on se fout de l'enquête. Et annonce presque aussi clairement qu'il n'a pas très envie non plus de laisser le scénario debout. Qu'importe ? Il enchaîne les moments de grand cinéma, accumule des scènes cryptiques qui font travailler le petit cervelet du spectateur, en lui refusant la moindre facilité.

Il s'offre même un happy end dans la plus pure tradition hollywoodienne, qui sonne comme un absolu pied de nez. Le Bad Lieutenant de Ferrara était plombé par son nihilisme ; ici le nihilisme a contaminé le film, le réalisateur lui-même.

Publié dans Films

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