The History of the Kings of Britain - Geoffrey of Monmouth

Publié le par Gwendal

On a tous besoin de racines : Monmouth fabrique ces racines-là pour la Grande-Bretagne en reprenant le terreau de Virgile, celui de la chute de Troie. Le résultat est austère, et rebutant quand on le limite à ce qu'il est d'une certaine façon : description de batailles, listes de rois depuis longtemps oubliés, alliances vite rompues... Monmouth ne prétend pas se faire romancier, simplement retracer une chronologie, ce qu'il fait avec pas mal d'approximations. Mais ce qui est important ici, c'est de pouvoir se rattraper à diverses branches, et de s'apercevoir qu'il y en a suffisamment pour pouvoir parler d'un livre important en termes de résonances :

- l'histoire d'Arthur d'abord. Telle que contée par Monmouth, elle s'écarte beaucoup de celle qui sera popularisée par Chrétien de Troyes : pas d'Excalibur plantée dans le roc, pas d'enfance avec Kay, pas non plus de Lancelot et autres... Reste la figure d'un roi de légende qui redonne aux Bretons leur fierté, et part en Avalon sans mourir ;

- les parallèles avec le Christ sont d'ailleurs nombreux : Merlin qui "naît sans père", cette Ascension d'Arthur... Parallèles d'autant plus significatifs que ce que Monmouth raconte, c'est aussi la christianisation du pays ;

- l'éternelle lutte avec les Saxons, qui remontera encore pendant la seconde guerre mondiale à la surface ;

- une plongée dans des définitions très médiévales des territoires, réfléchis plus comme vagues zones autour de châteaux comme de royaumes aux frontières très décisives, avec en prime la complexité des baronnies dépendant du roi, et la confrontation entre le modèle romain et celui de la chevalerie - quelque chose qui évoque plus le go que les échecs ;

- la tension entre la Rome vue comme l'origine noble et cet empire romain dont il faut secouer la tyrannie, tension qui reflète directement celle que Rome pouvait ressentir par rapport à la Grèce ;

- le passage célèbre des prédictions de Merlin. Elles valent en obscurité (et partant en difficulté d'interprétation, donc de vérification) celles de Nostradamus. Vues de plus loin, il y a là un vaste morceau de poésie en prose, pas si loin de certaines impressions ressenties en lisant la Légend des Siècles "en bloc".

Publié dans Livres

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