Duane Hanson @ Parc de la Villette

Publié le par Gwendal

Ils sont venus, ils sont tous là, la cheerleader et les ouvriers du chantier, le vendeur de voitures et la femme de ménage de l'hôpital, le cowboy et le couple de retraités sur son banc. Les techniques employées sont peu ou prou les mêmes que chez Ron Mueck, mais avec une différence de taille - littéralement : tous ici sont à taille humaine, ni nains ni géants. Tous sont dans des postures communes, habillés (les vêtements commencent d'ailleurs à dater un peu. Ce sera intéressant de revoir ces sculptures dans quelques dizaines d'années, lorsque la mode aura suffisamment évolué pour que le réalisme ne soit plus possible). Tous ont le regard mélancolique, dans le vague. Tous sont criants de vérité au premier abord, et le public n'y croit pas tout à fait, ne se retient pas de les toucher du bout du doigt pour vérifier, tourne autour. Regarde en coin un autre spectateur assis sur une chaise ou un banc. Les enfants et les personnes âgées ont les réactions les plus extrêmes. Duane Hanson avait un discours sur la simplicité des gens du quotidien, un discours dont l'origine se situe dans ses reconstitutions de scènes de violence à l'époque de la guerre du Vietnam. Mais ce qui frappe ici, c'est cette confrontation avec ces sculptures qu'on pourrait presque croire vivantes, le coté Musée Grévin de la chose. Les yeux ne "fonctionnent" pas vraiment, de même que les cheveux trop "crin", les peaux sont malgré les veines apparentes trop lisses, luisantes, roses ; il n'empêche, on s'y laisse prendre.

Et on repense à ces sculptures renaissantes qu'on peut voir (par exemple) au Louvre dans la salle des Belles Madones : déjà à l'époque l'obsession du réalisme poussé, mais alors on guidait autant que faire se peut le regard du spectateur, ces sculptures-là étaient faites pour n'être vues que d'un seul angle. Hanson prend le parti inverse : ses sculptures à lui sont faites pour qu'on tourne autour, pour qu'on se rapproche d'elles. À la Renaissance, et en particulier dans le sillage d'Ignace de Loyola et de la Contre-Réforme, l'oeuvre d'art était, par imitation, un parcours à suivre vers Dieu ; Hanson ne renvoie qu'à l'humain, ne renvoie qu'à nous-mêmes.

 

(retour chez Duane Hanson : pour constater ce que je n'avais pas remarqué immédiatement, que déjà ces créatures vieillissent - que deviendront-elles dans quelques années, lorsque ces masses de produits chimiques auront bien travaillé sous les UVs et autres, quels défis pour les conservateurs ?)

Publié dans Expos

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article